Select shop / boutique de mode
Allodi-R est un select shop parisien qui a pris ses appartements à Tokyo. Spécialisée dans le vintage et l’import, cette boutique présente sa vision d’une création contemporaine aux travers des collections de Rudy Cohen et du collectif (R)évolution. Allodi-R s’est parée du noir de son aînée parisienne, la boutique Wochdom. C’est paradoxalement à Loïc de Tonge, designer de la couleur, que l’architecture d’intérieur a été confiée Aussi a-t-il joué de ce contre-emploi pour moduler les densités de matière noire et en faire ressortir toutes les nuances lumineuses.
La façade offre une large vitrine abritée d’un hauvent et se présente aux passants comme le cadre d’un tableau dont le sujet serait la boutique en elle-même. On accède à l’univers Allodi-R en poussant une porte d’un autre temps et l’intérieur contraste aussitôt par un jeu de clair obscur du gris anthracite au noir intense au rez de chaussée. Alors que menant vers l’étage, la blancheur de l’escalier sous les feux d’un imposant lustre domine l’entrée.
Les meubles displays se détachent du sol en béton par un jeu de lumières rasantes qui crée un espace en suspension. L’effet de lévitation est renforcé par des filins, accroches quasi virtuelles sur lesquelles courent le long des murs les lignages flous de vêtements bigarrés. Les articles en présentation sont magnifiés par des spots directs les détachant du mur noir et les mettant en scène. Par touche ponctuelle et graphique, une lumière rose émane quant à elle, des néons verticaux et des plexis horizontaux.
L’alcôve sous l’escalier se couvre de blanc du sol au plafond et délimite l’espace d’essayage. Elle abrite de curieuses armoires de grand-mère, aux pieds ivres et sculptés. Loïc de Tonge a réinterprété ici l’image des armoires à vêtements d’autrefois. Il joue sur le décalage de les laquer en noir et d’en habiller les étagères de plexi rose. Poussant le paroxysme jusqu’à en placer une, les pattes en l’air, il les exhibe sous les feux des projecteurs. Ici se joue le petit théâtre de l’essayage et l’ivresse de l’assortiment. En face, les assises cubiques en lézard teint accueillent les pauses contemplatives des clients spectateurs. Alors qu’au fond de la boutique, un comptoir monolithique d’un noir dense se love et attend la fin du show.
Lieu d’exposition et d’expérimentation, cet espace minimaliste réintroduit ponctuellement la couleur pour délimiter les fonctions de chaque zone. Comme un rappel du rez-de-chaussée, l’espace vintage est tout de noir vêtu. L’espace d’écoute est formé d’un cube de peinture rose où trône un fauteuil rétro en acrylique noir. Cette pièce dénuée de séparation physique contraste volontairement avec le sol en béton brut et le comptoir asymétrique en fer brut. Diagonales et plans inclinés forment la liaison. Un bar de lecture où une sélection de magazines s’étale le long de la fenêtre interne et reçoit l’éclairage du lustre de l’escalier. Les murs volontairement dénudés accueillent les accrochages éphémères.
De l’identité noire propre à l’univers Allodi-R, Loïc de Tonge a su dévoiler son caractère contrasté et théâtral du lieu. Au vintage, répondent des clins d’œil rétros et décalés. Aux linéaires, il accentue la dissymétrie des plans inclinés et des zones colorées. Les effets graphiques de la lumière, les touches de couleurs officient comme des ondes résiduelles et irradiantes dans cette géométrie dans l’espace. Le visiteur se retrouve à la fois spectateur et acteur d’un univers qui oscille entre rock glamour et minimalisme luminescent.
